Le départ du locataire occasionne souvent un conflit avec le propriétaire sur l’état de l’appartement, et les dépenses de remise en état. Voilà quelques conseils pour réduire les problèmes.
Le départ d’un locataire est un moment délicat. Propriétaire et locataire se disputent souvent sur l’état du logement lorsqu’il est rendu, et donc sur les sommes prélevées pour cela par le propriétaire sur le dépôt de garantie laissé par le locataire.
En général, les sommes en jeu sont modestes: le dépôt de garantie du locataire s’élève à deux mois de loyer pour un meublé, et à un mois autrement. Pourtant, la dispute se termine régulièrement au tribunal. « Il y a quelques années, c’était le deuxième motif de contentieux immobilier après les loyers impayés », relève l’avocat spécialisé Romain Rossi-Landi.
Première explication: le flou de la loi ouvre la porte aux interprétations. En effet, selon les textes, le propriétaire doit payer la dégradation de l’appartement due à l’usure naturelle au fil du temps -ce qu’on appelle la vétusté-, et le locataire doit payer les autres dégradations.
L’avocat spécialisé Xavier Demeuzoy avance aussi une explication psychologique: « le départ du locataire donne très souvent lieu à un règlement de comptes entre locataire et propriétaire. La mésentente qui a pu perdurer pendant la location se cristallise à ce moment-là. Les tribunaux deviennent alors le théâtre de règlements de comptes reposant d’avantage sur des questions de principe que financières, car les sommes sont souvent petites ».
Voilà donc quelques conseils pour éviter les problèmes.

1-Soigner l’état des lieux

C’est le constat fait par le propriétaire et le locataire de l’état de l’appartement. Il est signé à la fois par le propriétaire et le locataire. C’est là dessus que se base le juge en cas de conflit. Un état des lieux est effectué lors de l’arrivée du locataire, et un autre lors de son départ. Le locataire, s’il n’est pas d’accord, peut ajouter ses remarques, voire refuser de le signer. Dans ce cas, l’état des lieux est effectué par un huissier.
« L’état des lieux doit être le plus précis et le plus complet possible. Il faut éviter les termes flous, comme ‘état d’usage' », recommande Me Romain Rossi-Landi.
Une technique employée par certains propriétaires malhonnêtes est d’accorder un satisfecit sur l’état général de l’appartement (ce qui endort la méfiance du locataire), sauf sur un point, qui passe donc inaperçu auprès du locataire, mais qui s’avérera très coûteux à remettre un état. Le locataire doit donc rester vigilant.
Pour François de la Vaissière, avocat honoraire, auteur de plusieurs ouvrages sur le droit immobilier, une bonne sortie se prépare dès l’entrée dans l’appartement: « l’état des lieux d’entrée doit être exhaustif et très précis. Bien souvent, les dégradations existent dès le départ. Et le propriétaire a tendance à minimiser les défauts. Le locataire doit donc être bien attentif, et faire ajouter les problèmes sur l’état des lieux d’entrée ».

2-Prendre des photos

Cela est recommandé car cela permet d’étayer ses dires auprès du juge en cas de conflit. Certes, l’autre partie peut contester la date des photos. Il est donc recommandé de faire approuver les photos par l’autre partie, pour éviter toute contestation.
« Les photos sont un moyen de preuve recevable, et la technologie permet désormais, en cas de contestation, de faire apparaître la date à laquelle les photos ont été prises », souligne Me Rossi-Landi.
Me Demeuzoy recommande même de prendre des photos dès l’état des lieux d’entrée: « ces photos prises à l’entrée deviennent très utiles lors de l’état des lieux de sortie pour évaluer l’état du logement et éviter toute situation de conflit ».

3-Appeler un huissier

Certains recommandent de faire dresser l’état des lieux par un huissier. « Certes, cela coûte 200 à 250 euros, mais cela réduit fortement les contestations ensuite », recommande Me Rossi-Landi.

4-Fournir les devis

Si le propriétaire estime que l’appartement doit être remis en état, alors il demande au locataire d’en payer le coût. Il doit justifier cela par des devis. Selon la jurisprudence, il doit fournir ces devis dans un délai raisonnable. « Je recommande au propriétaire d’établir des devis les plus précis possibles, et de les fournir rapidement au locataire. Le devis doit bien montrer qu’il s’agit d’une remise en l’état, et pas d’une remise à neuf », dit Me Rossi-Landi.
Selon la jurisprudence, le propriétaire n’est pas tenu de prouver qu’il a réellement effectué les travaux en question, et donc n’a pas à fournir des factures.

5-Ne pas payer son dernier loyer n’est pas une solution

On l’a vu, le dépôt de garantie versé par le locataire s’élève à deux mois de loyer pour un meublé, et à un mois autrement. Bien des locataires ne payent pas leurs derniers mois de loyer pour se rembourser eux-mêmes de ce dépôt de garantie. « C’est interdit par la loi mais cela arrive dans la grande majorité des cas. Le locataire redoute que le propriétaire lui réclame des sommes excessives, donc il se comporte mal par anticipation, et met le propriétaire devant le fait accompli. Bref, la loi fonctionne si mal qu’on a tendance à la contourner », déplore Me de la Vaissière.
« Le locataire n’a absolument pas le droit de ne pas payer son dernier loyer, et se met en tort. Il ne peut pas se faire justice lui-même. Il montre ainsi sa mauvaise foi, ce qui est mal perçu par le juge. C’est donc à éviter », dit Me Rossi-Landi.

6-Éviter le procès long et coûteux

« Si le propriétaire réclame des sommes excessives, la seule solution du locataire est d’aller en justice. Pour l’éviter, le locataire est donc très incité à ne pas payer son dernier mois », pointe Me de la Vaissière.
En pratique, il s’agit du tribunal d’instance, où l’on n’est pas obligé de prendre un avocat. La partie qui perd le procès doit aussi indemniser les frais de justice du gagnant. Le montant de cette indemnisation est fixé par le juge, mais cela dépasse rarement les 500 euros, et donc reste inférieur aux frais d’avocat réellement dépensés, qui sont facilement du double. « Très souvent, le juge rend un jugement de Salomon, coupant la poire en deux entre les demandes de chacun, et dans ce cas-là le juge n’ordonne pas le remboursement des frais de justice », dit Me Rossi-Landi. Toutefois, les frais d’avocat peuvent être remboursés par certaines assurances.
Pour éviter le procès, deux solutions sont possibles. D’abord, saisir la commission départementale de conciliation, si le dépôt de garantie reste inférieur à 4000 euros. « Je préconise dans un premier temps de saisir la commission, c’est très simple à faire et réellement efficace. Mais cette procédure reste méconnue. Et trop souvent la mésentente entre les parties est incompatible avec une conciliation », explique Me Demeuzoy. Toutefois, l’avis rendu par cette commission n’est que consultatif, et ne s’impose pas aux parties. L’autre partie peut même ne pas se présenter. Mais, même si la conciliation est un échec, elle reste utile: « le juge tient ensuite souvent compte de l’avis rendu par la commission », dit Me Rossi-Landi.
Autre solution: ne rien faire. C’est-à-dire que le propriétaire garde le dépôt de garantie, et les deux parties s’en satisfont. « C’est très très fréquent, et je le recommande souvent, car cela évite un procès long, coûteux, et pas très rentable », dit Me Rossi-Landi. « Faire un procès est très coûteux et long -au moins 18 mois-, car les tribunaux d’instance sont très encombrés. Seule une petite minorité des conflits finissent donc en justice », ajoute Me de la Vaissière, qui conclut: « Le système actuel ne fonctionne pas. Chaque partie peut prétendre n’importe quoi. La solution serait de sortir du cas par cas et de se baser sur des barèmes de vétusté en fonction du temps. C’était d’ailleurs prévu dans la loi Alur. Mais le gouvernement a renoncé à prendre les décrets d’application en sens. Il a ainsi raté une bonne occasion de débloquer le système ». Me Demeuzoy ajoute: « les modèles de grilles de vétusté prévus par la loi Alur sont disponibles sur internet, et il reste possible de les utiliser », ajoute Me Demeuzoy.